PRAISE HOUSE

25 minutes, couleurs, court-métrage expérimental.

« Angel is coming here to get me this evening, I’m a tired woman, so tired » [Granny]

Granny regarde au loin. Elle rejoindra bientôt la danse d’une autre dimension à travers les mouvements de sa petite fille Hannah. Celle-ci, impassible, crêpe ses cheveux avec le peigne jaune. Sa grand-mère est sur le point de quitter ce monde. La caméra avance petit à petit vers le visage de Granny criant son dernier souffle. Un ange au look moderne – trench noir, lunette teintée (loin de son iconographie habituelle) – viendra la chercher sous peu, pour disparaitre dans la fumée du hors-champ. Sa voix, quant à elle, restera dans l’espace sonore.

« In my hair I keep my secrets » [Granny]

Praise House réalisé par Julie Dash est un rituel intergénérationnel mettant en avant trois générations de femmes afro-américaines : la grand-mère [Granny], la mère, et la fille [Hannah]. On remarquera qu’il n’y a pas un·e seul·e héros ou héroïne, mais une multitude de personnages – dont les anges danseur·euses – formant une même force soulignée par des plans tantôt larges tantôt rapprochés. Les trois femmes, dotées d’un « gift », perçoivent les âmes de l’autre monde constamment en mouvement. Ce don de clairvoyance migre dans les images qui nous sont partagées. Nous les voyons, les entendons, nous participons à cette transcendance. Les trois femmes n’accueillent pas de la même manière cette magie indomptable. La mère d’Hannah, maintenue dans les griffes d’un quotidien martelé par le capitalisme et le patriarcat, trouve refuge à la fois dans des tâches répétitives, une rationalité compulsive ainsi qu’une colère traduisant la peur face à son pouvoir ancestral. De quoi héritons-nous ? Comment en héritons-nous ? Où le recevons-nous ? Comment accueillent-elles l’Histoire qui accompagne ce don en question. Ces trois personnages sont des sortes d’archétypes : Granny représente le savoir, Hannah la passation, et la mère illustre le refus de la transmission. On peut y voir d’autres symboles, car cette poésie audiovisuelle regorge d’effets de sens. Praise House avec ses valeurs de plans, sa fumée, ses chorégraphies, ses prises de vue, ses chants, sa colorimétrie, ses costumes, ses décors, ses lumières et ses ombres, nous montre que la magie habite aussi l’univers filmique développant ainsi un récit de résistance, et d’amour. Praise House décolonise l’espace filmique .

« seen more colors than anyone person could begin to know » [Granny]

« DRAW OR DIE » [Granny]


Source qui a inspiré ma critique-analyse

Dozier A. Conjuring Caliban’s Woman: Moving beyond Cinema’s Memory of Man in Praise House (1991). Hypatia. 2021;36(3):503-518. doi:10.1017/hyp.2021.44


Toutes les illustrations m’appartiennent de droits.

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